L'accord sur la retraite à 55 ans a détendu l'atmosphère. Mais le
paiement intégral des heures travaillées reste la revendication numéro un des camionneurs. Bernard, dit «le Sanglier», s'est rasé. Un signe de détente. Pascal, 26 ans, fait ronfler le moteur de son camion. Autre signe. Hier, tôt dans la matinée, les routiers arrêtés à Rungis, devant les portes de la plate-forme de fret de la Sogaris, se réveillent avec les dernières nouvelles. Ils écoutent France-Info. Une grosse radio jaune est posée en équilibre sur les palettes de bois autour du brasero. Les négociateurs ne sont toujours pas sortis de leur réunion nocturne, mais la revendication sur la retraite a marqué un point. «Maintenant qu'on a la retraite, ils peuvent pas caler sur le reste», se réjouit Jean-Claude, en se frottant les mains. «C'est un pas de franchi, mais il faudra être très vigilant sur chaque virgule du texte pour ne pas se faire avoir comme en 1992», tempère Yvon Connan, délégué FNCR (autonomes). «Bernard, t'entends? T'es en retraite, tu peux rentrer chez toi!», s'amuse le groupe. L'interpellé, un grand routier de 56 ans, trente ans d'ancienneté, boude un peu dans sa cabine. Il ne veut pas s'arrêter de travailler. «Je fais grève uniquement pour le paiement des heures», dit-il. Tremblant de froid, il examine encore le cahier qu'il tient minutieusement chaque fois qu'il prend la route et dont il ne se sépare pas avec, toujours à portée de mains, l'intégralité des textes de la convention collective.