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Quand l'entreprise génère ses exclus. «A 50 ans, je suis redevenue smicarde» Anne travaille à la chaîne. Et n'arrive pas à suivre les nouvelles cadences.

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publié le 23 mars 1998 à 21h08

Depuis trente-cinq ans, Anne, 50 ans, travaille à l'usine Devanlay à

Saint-Dizier (Haute-Marne). Elle fabrique des polos Lacoste dans un atelier qui emploie 291 personnes, en grande majorité des femmes. Le travail est effectué à la chaîne, chaque ouvrière cousant une partie de la chemise (épaule, patte"). Anne, comme les trois-quarts du personnel, est payée au rendement. Les moins rapides, appelées «bas de grille», sont à 38,62 F de l'heure, soit un peu moins du Smic (1). L'entreprise ayant obligation de respecter la loi, elle réajuste les salaires par une prime. Les plus véloces sont à 51,22 F. Seule une petite élite réussit à atteindre ce score. «J'ai commencé à l'âge de 15 ans et je n'ai jamais changé de poste. Je monte les bords côtes (poignets, cols"), les manches et je ferme les coutures. Je fais à peu près vingt chemises à l'heure quand certaines en font vingt-cinq, vingt-six. Je suis montrée du doigt. J'ai du mal à réaliser ma production, du fait de la diversité des articles. Depuis deux ans, les modèles changent beaucoup plus souvent. A chaque fois, il faut se réhabituer. Je perds de la vitesse et ma production baisse.

«Il y a sept ans, on m'a installé une nouvelle machine, plus perfectionnée, automatique. Au bout de vingt-huit ans de métier, il a fallu que je m'adapte à une autre méthode de travail. J'ai été formée pendant trois mois par une monitrice. Tout cela m'a perturbée. J'avais du mal à réaliser ce qu'on me demandait. Je n'avais pas la vivacité des jeunes qu