«On a choisi Vivendi.» Jean-Marie Messier compte les secondes de
silence qui s'égrènent. Dix. Une éternité. Guy Dejouany, son prédécesseur à la tête de la Générale des eaux, hoche lentement la tête: «J'aime beaucoup.» Ce vendredi 27 mars, son interlocuteur sait qu'il vient d'obtenir l'imprimatur nécessaire pour concrétiser sans heurt le projet «strictement confidentiel» sur lequel ses équipes planchent depuis un an. Le rideau peut tomber sur la salle à manger de la rue d'Anjou, ex-siège de la Générale des eaux. En début de semaine, le groupe a déménagé, laissant aveugle sa nouvelle façade de l'avenue de Friedland. Pour quatre jours seulement: hier, ses administrateurs ont approuvé la peu banale proposition de Messier. La Générale des eaux est rebaptisée Vivendi sous leurs applaudissements. L'ère Dejouany appartient au passé et Messier reste seul maître en la demeure.
L'exercice était périlleux. On ne change pas une enseigne plus que centenaire sans traumatismes multiples. Et l'ego d'un patron ne saurait justifier une décision si lourde de symboles. «Ce sont mes actionnaires qui ont posé le problème, justifie le patron. La question revenait de manière récurrente à chaque réunion d'actionnaires en province ou à l'étranger.» En réalité, l'inadéquation entre le nom du groupe et la réalité de ses activités était devenue criante depuis une dizaine d'années. En 1986, Guy Dejouany lui-même avait envisagé d'y remédier. Difficile cependant pour lui de renoncer à l'étendard sous lequel