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Libération
Interview

EMPLOI. «Les salariés sont mis en concurrence».Béatrice Appay décrit les nouveaux rapports de force, favorables à l'entreprise.

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publié le 27 avril 1998 à 23h44

«On s'oriente vers une individualisation des contrats», explique

Béatrice Appay, sociologue (CNRS) qui, avec Annie Thébaud-Mony (Inserm), a dirigé un recueil de textes, synthèses de l'état des travaux sur la précarisation (1).

Les emplois dits atypiques se sont infiltrés dans l'entreprise. L'emploi stable n'est plus l'élément central. Comment en est-on arrivé là?

Ce qu'on observe aujourd'hui s'inscrit dans un processus plus large de précarisation sociale; les entreprises se sont atomisées. Le recours à la sous-traitance et à l'externalisation s'est accru. Le législateur n'a cessé d'inscrire des dispositifs dérogatoires pour flexibiliser les conditions d'emploi, avec l'utilisation des temps partiels, de l'annualisation" Tout cela annonce une transformation radicale des rapports sociaux. Le code du travail a doté les salariés d'un statut commun pour compenser leur subordination et les protéger collectivement face à leur employeur. Mais il vole en éclats. Les salariés sont mis en concurrence et on s'oriente vers une individualisation des contrats selon les besoins des entreprises. Les anciens sont opposés aux nouveaux, les jeunes aux vieux, les hommes aux femmes, les précaires aux permanents. Sous prétexte d'autonomie, de mobilité, d'entreprise «hypermoderne», on prétend mettre chacun sur un pied d'égalité avec l'employeur ou le donneur d'ordre. Or, le salarié se retrouve en tête à tête avec l'employeur, dans une négociation de gré à gré. Cela crée de nouveaux modes de coopératio