Dublin, le 13 décembre 1996. Vendredi 13. Alors que s'ouvre le
sommet européen, Theo Waigel, le ministre allemand des Finances, est furieux. Ses sourcils sont encore plus charbonneux qu'à l'accoutumée. Qu'est-ce que c'est que cette histoire de «technocrates allemands» dont a parlé le président Chirac la veille? Avant de s'envoler pour la capitale irlandaise, le Président français a participé, le jeudi soir, à une émission de télévision au cours de laquelle il s'en est pris au «bébé» de Waigel, le «pacte de stabilité», un addendum à Maastricht, destiné à sanctionner les pays qui afficheraient des déficits publics excessifs. «Le pacte de stabilité, tel que l'avaient envisagé certains technocrates allemands, a évolué», a déclaré le Président. Chef de file de la CSU, le parti frère de la CDU du chancelier Helmut Kohl, Waigel l'a mal pris. A qui veut l'entendre, il évoque la bourde chiraquienne: «Ich bin ein Politiker!». Je suis un politique, pas un technocrate! Il déclare à Kohl: «Je n'admettrai pas cela. Soit tu parles personnellement au Président, soit j'aborde la question au Conseil!» (1). Il a les nerfs en pelote car, la veille, il a tenté jusqu'au milieu de la nuit de convaincre ses collègues ministres des Finances, et notamment le français Jean Arthuis, que l'Allemagne ne pouvait pas accepter l'euro sans ce pacte de stabilité prévoyant des sanctions quasi-automatiques: un pays qui dépasserait 3% de déficit subirait une amende de 0,2% du PIB (15 milliards de francs pour l