Menu
Libération

Japon: portraits d'un pays en crise (1). Le doux bruit de la Harley contre la récession. Le Japonais ne renonce pas au luxe, mais la consommation chute. Par peur du chômage.

Article réservé aux abonnés
publié le 11 mai 1998 à 3h14

Tokyo, envoyé spécial.

La «Fat Boy» est rangée en épi dans la boutique, tous chromes dehors, entre deux autres Harley Davidson. La bête s'affiche à 2,35 millions de yens (environ 110 000 francs). L'étonnement du visiteur amuse le gérant du magasin. Au pays des Yamaha et autres Honda, Atsushi Kitajima, lunettes rondes d'intellectuel plantées sur le nez, est concessionnaire officiel de la marque américaine. Il a ouvert son magasin, en avril 1996, au coeur de Shibuya, quartier branché et commerçant de Tokyo, en haut d'une ruelle étroite. Le financement a été assuré par Parco, un des plus importants depato (grand magasin) de la capitale japonaise, à deux pas de là.

En apparence, Atsushi Kitajima ne souffre pas de la crise. «Je vends six ou sept motos par mois à des clients de tous les âges et de tous les milieux sociaux, dit-il, tout sourire. Et j'ai de plus en plus de clients.» Cela ne veut pas dire que la récession n'existe pas. «C'est sûr que l'économie va mal, poursuit-il. Mais la moto américaine, c'est un secteur spécial. Les gens se disent que c'est justement parce que tout va de travers qu'il ne faut pas se priver d'un plaisir personnel, comme celui de rouler au guidon d'une belle Harley Davidson. Et ils sont prêts à emprunter beaucoup pour ça.»

Tout le paradoxe japonais est là. La vie semble continuer comme avant dans un pays qui traverse pourtant une crise profonde depuis l'éclatement, au début des années 1990, de la bulle immobilière et financière. Quelques indicateurs po