Menu
Libération

Japon: portraits d'un pays en crise (3). Une embauche rock'n'roll pour 2000 rescapés de Yamaichi. Autre patron, autre méthode: Merryll Lynch paye au mérite.

Article réservé aux abonnés
publié le 13 mai 1998 à 3h27

Tokyo, envoyés spéciaux.

Ils sont 2 000. Deux mille rescapés réunis, ce samedi après-midi d'avril, dans un immeuble ultramoderne à Hibiya, le quartier des affaires de Tokyo. Le soulagement se lit sur leur visage, en même temps qu'une pointe d'angoisse. Il faut les comprendre. En novembre, ils se retrouvaient au chômage, victimes de la faillite de Yamaichi, la quatrième maison de titres (1) du Japon. Trois mois plus tard, en février, ils étaient embauchés en bloc par Merryll Lynch. Le géant américain de la finance organise pour eux cette nyusha shiki, traditionnelle «cérémonie de bienvenue» des entreprises pour leurs nouvelles recrues. Après la litanie des discours des dirigeants, tout le monde s'attend à écouter un concert de shamisen, la lancinante guitare japonaise. Au lieu de quoi un bon vieux rock des Rolling Stones explose dans les haut-parleurs: «Yeah, you start me up!» La rengaine claque aux oreilles des salarymen, comme les employés nippons se surnomment eux-mêmes. Embarrassés par la tournure des événements mais soucieux de faire bonne figure, ils se lèvent et battent des mains en rythme.

9 300 «salarymen» au chômage. La firme américaine ne s'y serait pas prise autrement si elle avait voulu marquer qu'une époque s'achève pour ces employés modèles. Il y a encore six mois, ils travaillaient dans une vénérable et poussiéreuse institution nippone, avec tout ce que cela pouvait signifier de confort et de sécurité: emploi à vie, avancement à l'ancienneté, voyages organisés à