Amsterdam, correspondance.
Avec sa crinière blanche et sa stature imposante, Wim Duisenberg, qui vient d'être nommé premier président de la Banque centrale européenne, est un phénomène dans son propre pays. Qui d'autre que lui peut se vanter d'avoir été d'abord ministre dans le gouvernement le plus à gauche qu'ait connu les Pays-Bas après la guerre, avant d'endosser le costume d'un orthodoxissime président de la Banque centrale néerlandaise pendant seize ans? Wim Duisenberg est encore, à ce jour, membre du Parti travailliste. Mais sa carrière lui a fait faire un virage à quatre-vingt-dix degrés.
A l'université de Groningue dans les années 60, il baignait dans les idées généreuses. Puis, tout jeune ministre des Finances en 1973 (il avait alors 38 ans), il prônait avec verve le keynésianisme: en pleine crise pétrolière, il proposait de donner à tous les Néerlandais dix florins de plus par mois pour requinquer leur pouvoir d'achat. Le tournant a lieu deux ans plus tard, en 1975. Duisenberg instaure alors une règle d'or: le budget social, en pleine expansion, ne devrait plus croître que de 1% par an. Dans son propre parti, beaucoup crient à la trahison. Et, lorsqu'il quitte la politique pour un poste grassement payé à la Rabobank, Joop van Tijn, qui deviendra maire social-démocrate d'Amsterdam, le traite de «criminel».
Arrimé au mark. Devenu président de la banque centrale néerlandaise en 1982, il ne jure plus que par la rigueur économique et la stabilité du florin. «La mission d'