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Libération

Japon: portraits d'un pays en crise (fin). Vous spéculiez? Eh bien, chantez maintenant. Susumu, ex-agent immobilier, fut millionnaire avant de tout perdre. Il en a fait un tube.

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publié le 15 mai 1998 à 1h18

Tokyo de notre correspondante

Avec Bubble («la bulle»), Saito Susumu tient peut-être le tube de sa vie. Petit, la cinquantaine bien portante, le visage joufflu en forme de poire, cet ancien marchand de biens, qui avait fait fortune pendant la période de spéculation immobilière de la fin des années 80, a tout perdu lorsque le marché s'est effondré. Depuis, il chante ses malheurs sur le trottoir, sous forme d'un «J'accuse» vibrant contre le gouvernement «qui sacrifie le peuple pour couvrir ses erreurs», en se demandant comment il va rembourser l'ardoise qui lui reste: 300 millions de francs. «Tout le monde se demande pourquoi je ne me suicide pas!», dit-il dans un bref éclat de rire. «C'est vrai, comment voulez-vous que je rembourse? Ma vie n'y suffirait pas! Mais tout ce qui est arrivé est de la faute du gouvernement», insiste-t-il en relevant les manches de son veston, laissant négligemment apparaître les deux grosses améthystes serties d'or qui ornent ses poignets de chemise" La crise de l'immobilier a laissé sur le carreau, à Tokyo et dans les grandes villes du Japon, toute une population de professionnels de la pierre plus ou moins sérieux. Mais peu ont connu un parcours aussi flamboyant que Susumu-le-chanteur. Originaire d'une famille d'agriculteurs peu fortunée de Tochigi, une zone rurale de montagne située à une centaine de kilomètres au nord-est de Tokyo, Susumu avait une idée fixe en montant à la capitale, au début des années 70: devenir célèbre. Pourquoi pas en deve