Ce samedi se fête la journée nationale du pain. Nos vaillants
artisans en profitent pour réclamer qu'on interdise enfin à un dépôt de pain de s'appeler «boulangerie». Mais plutôt que de défendre leur boutique, ils feraient mieux de se mobiliser pour le bon goût. Or, si la baguette est une véritable erreur de la nature, les boulangers en sont bien les fautifs. Autant un artisan peut faire du mauvais pain, autant une chaîne peut en proposer du bon: il suffit de goûter à la boule bio de Carrefour, cuite au four à sole (sur briques), ou aux produits des chaînes Paul ou Le Fournil de Pierre. Institution. Plutôt que du petit commerce donc, parlons du pain, sujet sacré s'il en est. «La passion des Français pour le pain n'a pas d'équivalent dans le monde», observe Jérôme Assire (1). Sans remonter à la consécration biblique, il suffit de rappeler qu'il fut des périodes où le monopole réservé aux boulangers était si strict qu'il était interdit de faire du pain chez soi. Mais un artisan faisant du mauvais pain pouvait être fouetté en place publique, tant son crime était grave. Le moulin était un des signes du pouvoir du seigneur. La soupe ne désignait pas le potage, comme aujourd'hui, mais le morceau de pain qu'on y trempait. Le produit lui-même s'organisait socialement: le chroniqueur Du Cange a laissé au XVIIe siècle un inventaire du pain: de pape, de cour, de chevalier, d'écuyer" jusqu'au pain de paysan, de seigle et froment grossiers, éventuellement mêlés de glands, racines, paille