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«On était frappé si on ne suivait pas la cadence». Ce jeune Indien a tissé des tapis pendant 5 ans.

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par Régis NUSBAUM
publié le 23 mai 1998 à 1h59

New Delhi, de notre correspondant.

«Je commençais à travailler très tôt le matin, vers 6 heures, jusqu'à midi. On s'arrêtait alors pour manger. On nous donnait un bol de dal (lentilles) et un chapati (galette de pain). Ensuite on reprenait le travail jusqu'à 10 heures du soir. On mangeait la même chose et on se couchait.» Chiedd Sada vient du Bihar, l'Etat le plus pauvre de l'Union indienne. Ce garçon vivait avec ses parents, ses cinq frères et sa soeur dans son village de Saginda, jusqu'au moment où sa vie a basculé dans l'esclavage.

C'était il y a cinq ans. Chiedd Sada avait alors tout juste 6 ans quand un inconnu est venu lui proposer de le suivre pour lui donner à boire et à manger. «On est monté dans sa Jeep et on s'est retrouvé dans un atelier de tapis. Dès notre arrivée, le malik (propriétaire) nous a montré comment il fallait tisser et on nous a mis au travail.» Cinq ans à tisser. Très vite, il faut réaliser des objectifs de production qui vont croissant. Cinq pouces de tapis le premier jour, neuf pouces après quelques semaines. «On était frappé si on n'arrivait pas à suivre la cadence ou si on faisait une erreur, se souvient Chiedd Sada en montrant une large cicatrice sur sa jambe. On devait en faire toujours plus.»

Chiedd Sada a passé cinq années à tisser des tapis en compagnie d'une dizaine d'autres enfants de son âge, dans une usine située près du village d'Osanpur, dans l'Etat d'Uttar Pradesh, voisin du Bihar. Sans salaire, sans une seule journée de vacances et so