Menu
Libération

EMPLOI: GENERATION CREATEURS. Le porteur de riz. Edmond, 25 ans, livre à domicile les familles africaines.

Article réservé aux abonnés
publié le 15 juin 1998 à 5h50

«On ne peut rien pour vous.» «Votre projet ne marchera jamais.»

«Vous êtes trop jeune, vous allez vous casser la gueule.» Edmond Abenin a tout entendu. Il a été baladé, un an durant, de mairie en association, avant de trouver la bonne porte. Il n'est pas rancunier. Edmond émaille son discours de proverbes. «La vie est faite de patience», dit-il au pied du magasin qu'il vient d'ouvrir dans un quartier remuant d'Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). Gombos, manioc, patates douces en vitrine, sacs de riz long parfumé ou de semoule entassés dans l'arrière-boutique: Edmond s'est installé là où vivent les familles africaines. A 25 ans, il aura réalisé ce pour quoi il est né: commerçant. Jamais il n'a douté, comme porté par une évidence. «Je croyais en moi, j'étais sûr que ça allait marcher.» Car il avait une bonne idée: la livraison à domicile de sacs de riz. «Quand un Européen en consomme un kilo par mois, une famille africaine de cinq personnes en mange une cinquantaine.» Soit deux sacs bien remplis. «Beaucoup ne possèdent pas de voiture ou n'ont pas le temps de faire les courses.» En quelques semaines, Edmond en a vendu des palettes entières, servant ses clients dans toute l'Ile-de-France. «L'argent n'a pas de frontière», sort-il de son catalogue.

L'école, ça n'a jamais vraiment marché pour Edmond. Arrivé de Côte-d'Ivoire à l'âge de 10 ans, il a vécu chez son oncle puis chez son cousin à Sarcelles. Collège, lycée, il «a continué un peu malgré lui», persuadé qu'il «ne gagnerait j