Alors que les industriels de l'armement européens amorcent leur
restructuration, les grands groupes américains du secteur arrivent au bout de la leur. En annonçant hier qu'il renonçait à son projet de fusion avec son rival Northrop Grumman, le géant Lockheed Martin a mis fin à un mouvement de concentration forcené qui secouait depuis cinq ans l'industrie d'armement américaine. Et ce n'est pas de gaîté de coeur que le constructeur du chasseur F-22 jette l'éponge. C'est parce que les autorités fédérales, depuis plusieurs mois, s'opposent avec la dernière énergie à un rapprochement qu'elles considèrent comme contraire aux principes de la concurrence. Or, ce sont ces mêmes autorités qui, il y a cinq ans, tirant les leçons de la chute du mur de Berlin, exigeaient des industriels du secteur qu'ils se restructurent pour faire face à la baisse des crédits militaires et ainsi maintenir leur compétitivité. Que s'est-il passé dans l'intervalle? Beaucoup d'hommes ont changé, les mentalités ont évolué, le mouvement s'est emballé.
En juillet 1993, le secrétaire d'Etat américain à la Défense, William Perry, convie à dîner les plus grands industriels de l'armement des Etats-Unis, leur brosse à grands traits le nouveau paysage stratégico-économique et leur enjoint de procéder à des fusions. Seul Lockheed a devancé l'appel en rachetant fin 1992 General Dynamics, le fabricant des F-16. Les autres ont tout à faire. Perry est leur principal client, ils prennent donc très au sérieux ses fermes cons