Menu
Libération

EMPLOI. Les nouveaux athlètes du travail.«Lever le pied? Impossible. Si tu ralentis, c'est le marché qui te décroche.» La seule issue, quitter l'arène. Accro au fil de la Bourse. Il a 30 ans et se réveille la nuit pour suivre le cours du Nikkei. Il est trader.

Article réservé aux abonnés
publié le 21 septembre 1998 à 10h08

Luc est trader depuis sept ans pour le compte d'une grande banque.

Ses journées, il les passe devant trois écrans et deux téléphones. 8h-22h, un sandwich à midi, une semaine de vacances cette année: «Je me lève à 7 heures tous les matins. Vers 7h30, 8 heures moins le quart, je suis au bureau. Les marchés ouvrent à 8 heures. Ensuite, c'est non-stop jusqu'au soir. Dans ce métier, les infos tombent tout le temps. Le marché est devenu très volatile. L'euro nous oblige à traiter toutes les devises. Il y a de plus en plus d'interconnexions entre les bourses mondiales, donc de remous, d'incertitudes. La tension est permanente: on peut changer d'avis toutes les dix secondes. J'ai trois écrans devant moi, deux téléphones qui sonnent. Je passe environ 50 ordres d'achat et de vente dans une journée dans un brouhaha infernal. Ça crie. Ça court. Ça téléphone dans tous les sens. Moi, tout autant. Je ne m'en rends même plus compte. Par un mécanisme assez bizarre, j'arrive à ne plus entendre, à faire le tri entre ce qui m'intéresse et le reste. Mon oreille est devenue sélective. Je peux être en train de passer un ordre et m'interrompre pendant la conversation pour attraper une info au passage. Pareil avec les chiffres qui défilent sur les écrans. «Il y a des périodes où je grossis, j'avale vingt cafés dans la journée, je fume cigarette sur cigarette, je suis injoignable pour quiconque voudrait me parler d'autre chose que du boulot. Je balance des "pas le temps dans le combiné. J'ai mal