Châlons-en-Champagne, envoyé spécial.
La vapeur est un peu plus épaisse au-dessus de la sucrerie Beghin-Say à l'entrée de Châlons. Seul signe tangible que la quasi-totalité du personnel est en grève. Sinon, c'est le même vacarme, la même boue collante, la même odeur de moisissure. Une sucrerie, sorte d'énorme chaudière, ça ne s'arrête pas. Or la «campagne sucrière» est lancée depuis une semaine. Elle doit durer une centaine de jours. De l'eau a donc remplacé momentanément le jus des betteraves dans les conduites. Faire la grève consiste à occuper son poste de travail, sécurité oblige. Dans son bureau du comité d'entreprise, Jacky Jacquemin, responsable CGT, est satisfait. Tout le monde a suivi l'arrêt de travail de deux heures par équipes. Ici, on est en territoire CGT: «Nous comptons 100% de grévistes, hors cadres et administratifs. Mais, chez ces derniers, certains ont débrayé.» Le motif d'un mouvement si unanime, c'est l'accord de branche sur les 35 heures, signé au mois d'août par la CFDT, la CGC et la CFTC. A la grande colère de la CGT, largement majoritaire parmi les 8 000 salariés du sucre.
Ce paraphe met hors de lui Jacky Jacquemin: «Les signataires, on les connaît: celui de la CFTC vient du groupe, il représente 18 salariés chez Beghin-Say. La CGC, c'est un syndicat catégoriel. Seule la CFDT représente quelque chose de sérieux, mais cela ne vaut que 18% des salariés.»
Sur le fond, c'est le manque d'emplois qui provoque la colère de Jean-Michel, magasinier depuis six