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Libération

La fuite en avant de l'économie malaise.Le pays refuse l'aide du FMI, pratique la discrimination et investit à tout va.

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publié le 8 décembre 1998 à 18h56

Kuala Lumpur, envoyé spécial.

Weng, petit commerçant de souche chinoise, est prompt à se souvenir des émeutes de mai 1969 à Kuala Lumpur. Elles firent 2 000 morts dans les rangs de la très nombreuse communauté chinoise, à laquelle on reprochait d'accaparer la majorité des richesses et de vouloir prendre le contrôle politique. «Un bain de sang" un vrai bain de sang», répète Weng, dont l'anxiété s'est à nouveau éveillée, aiguillonnée par le climat de récession qui frappe le pays. Quotas raciaux. De ce traumatisme fondateur survenu douze ans à peine après son indépendance, en 1957, la Malaisie avait tiré les leçons à sa manière en instaurant, au début des années 80, une politique controversée de quotas raciaux favorisant les Malais (1) de souche (58% de la population) dans tous les domaines, et surtout dans celui des affaires, au détriment des Chinois de souche (32%) et des citoyens d'origine indienne (10%). C'est sur la base de ce précaire consensus de redistribution des richesses entre «races» que les 22 millions de Malaisiens ont entamé leur spectaculaire décollage économique (le revenu moyen y est quatre fois supérieur à celui de l'Indonésie). Mais l'irruption de la crise asiatique, catalyseur de bouleversements politiques dans l'Indonésie voisine, menace aujourd'hui d'ébranler le pouvoir exercé depuis dix-sept ans par le Premier ministre Mahathir Mohamad, et peut-être aussi l'unité nationale ­ fondée essentiellement sur la croissance économique. Il n'en faut pas beaucoup