Paul, ingénieur chez General Electric (GE, imagerie médicale), ne
comprend pas ce qui lui arrive. Convoqué par son supérieur hiérarchique pour son entretien annuel d'évaluation, il prend connaissance de sa note: 4. C'est le plus mauvais score. Dans son entreprise, celui qui obtient «1» montre des compétences exceptionnelles, c'est un excellent élément. Celui qui obtient «4» a six mois pour se reprendre. Paul est consterné. Au registre de ses points forts, on lui reconnaît des compétences techniques. Mais on lui reproche son «peu d'enthousiasme» et son «manque d'énergie». En conséquence, la direction lui propose un «plan d'action» qui sera contrôlé chaque semaine par son supérieur hiérarchique. Evidemment, il peut faire une croix sur son augmentation. Paul est victime de la «vision 360°», système d'évaluation destiné à cerner l'individu. Introduit par les filiales françaises de groupes américains, comme GE, IBM ou Rank Xerox, il se répand maintenant à la Fnac, chez Ikea, Alsthom, Volkswagen, Axa, Total et ailleurs encore, dans le sillage de l'individualisation toujours plus poussée du traitement des salariés.
Pour le cas de Paul, cinq personnes de son réseau professionnel ont été sondées. Son chef, bien sûr, mais aussi ses collègues, ses subordonnés et ses clients. Le «360°» a tout de l'enquête d'entourage. Aux sondés, on a demandé de s'exprimer sur huit critères (énergie, ouverture d'esprit, enthousiasme, etc.) en indiquant pour chacun «toujours», «fréquemment», «parfois»,