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Interview

EMPLOI. Un interview du sociologue Robert Castel : Un socle collectif est nécessaire""... pour éviter que le salarié soit livré au marché.

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publié le 14 décembre 1998 à 19h47

Pour Robert Castel, sociologue, directeur d'études à l'Ecole des

hautes études en sciences sociales, l'individualisation croissante peut profiter à certains mais pénalise le plus grand nombre" Le risque est que le salarié se retrouve isolé dans un rapport de forces qui lui est défavorable. Contrats de travail, horaires, salaires: assiste-t-on à une réelle montée de l'individualisation?

C'est incontestable, la tendance générale est à l'individualisation, ou plutôt à la réindividualisation. Au début du XIXe siècle, le contrat de louage concernait deux individus: l'employé et l'employeur. C'est pour cette raison que l'employé se faisait toujours avoir car le rapport de forces jouait contre lui. Avec le développement du droit social, de la protection sociale et des conventions collectives, il y a eu collectivisation de la relation de travail. Cela a permis de réguler, en partie, le fonctionnement purement individuel et donc anarchique du marché. A l'inverse, depuis le début des années 70, il y a une tendance à la réindividualisation. Le patronat dit: «Nous voulons des conventions de moins en moins collectives.» Son voeu est de redistribuer les négociations de branche à un niveau plus local, au sein des entreprises. Pourquoi y a-t-il ce retour de l'individualisation?

L'une des racines de ce mouvement est la transformation technique du travail. Il s'opère de moins en moins sous la forme de grandes organisations collectives de type taylorien. On fait davantage appel à une parcellis