Historien, Pascal Ory, 50 ans, est professeur d'histoire
contemporaine à la Sorbonne. Il a publié récemment une anthologie des textes sur l'Europe depuis le début du XIXe siècle (1).
Le 1er janvier 1999 est présenté comme un jour «historique». Au regard de ce que l'Europe a vécu pendant tout ce siècle, cette date mérite-t-elle vraiment ce qualificatif? Je le pense, oui. Les dates vraiment «historiques» sont très peu nombreuses, mais celle-là en fera partie. Dans l'histoire de la construction européenne, une seule autre date peut rivaliser: le 9 mai 1950, Robert Schuman, convaincu par Jean Monnet, lança l'idée d'une communauté européenne, en commençant par le charbon et l'acier. L'idée de l'Europe est bien plus ancienne, mais son accouchement a eu lieu à cette époque. Le traumatisme de la guerre était tel que les hommes politiques et les décideurs économiques ont franchi le pas. Juste après le 9 mai 1950, il y a le 1er janvier 1999. L'euro est un pas considérable: c'est la preuve que les pays européens sont capables d'un abandon de souveraineté capital par son ampleur. La rationalité économique que certains prêtent au projet vient bien loin derrière cet enjeu-là. Avec l'euro, nous entrons dans le champ de la décision: celle de faire une Europe fédérale.
De quand datez-vous les premiers rêves d'une monnaie européenne?
Le rêve d'une monnaie européenne est aussi vieux que le rêve d'Europe. Déjà les romantiques du XIXe siècle en parlaient. Victor Hugo a tenu des discours sur la mo