André Orléan est directeur de recherche au CNRS.
Pour comprendre quelle politique économique est possible et sous quelles conditions, il faut commencer par analyser les structures de la macroéconomie contemporaine. L'évolution des quinze dernières années est sans ambiguïté. On a assisté à une financiarisation croissante de l'économie. Qu'il s'agisse de la gestion des entreprises, de l'épargne des ménages ou de la dette publique, on a vu partout les marchés financiers s'affirmer et imposer leurs intérêts et leur vision du monde. Le pouvoir est passé du côté des classes créancières. Cette économie financiarisée a construit sa cohérence autour de deux principes cardinaux: la monnaie forte et la délégitimation de l'Etat. Dans les deux cas, il s'agit toujours d'affirmer la primauté des droits financiers contre les empiétements de l'inflation et de l'impôt. L'avènement de l'euro ne remet pas fondamentalement en cause ces données structurelles. On peut même penser qu'il risque encore de les accentuer. D'une part, parce que les Etats continuent d'être affaiblis. Ils ont perdu l'exercice de leur souveraineté monétaire, se voient soumis au pacte de stabilité qui réglemente leur politique budgétaire. Ils vont se trouver en position de faiblesse pour négocier leur dette publique face à une finance centralisée et toute-puissante qui saura faire valoir ses intérêts et sanctionner telle ou telle politique nationale jugée mauvaise. Faute d'une instance politique européenne, souveraine et