Hier, on disait un dollar vaut 0,84 ou 0,85 écu (ou encore 5,98
francs ou 6,15 francs). Donc, on devrait dire aujourd'hui, 1 dollar vaut 0,84 ou 0,85 euro. Or, on a fait un virage à 180 degrés, et l'on s'exprime dans l'autre sens: on nomme l'euro en premier. Sur les ondes, les fils d'informations financières, on dit qu'un euro est égal à 1,17 ou 1,18 dollar. Les profanes trouveront le détail anodin. Pas les professionnels, qui y voient une mini-révolution. Henri Foch, le spécialiste des changes de la BNP, l'explique très bien: «On cote aujourd'hui l'euro comme le certain.» Entendez: on exprime les devises étrangères par rapport à une unité d'euro qui reste le repère unique, et ceci que l'euro monte ou descende. L'inversion des facteurs est riche de sens: «Le fait que l'on cote l'euro comme la première des deux devises, cela représente psychologiquement un grand bond.» De sous-monnaie qui n'existe que raccrochée au dieu-dollar dont elle n'est qu'une expression, l'euro accède au statut de monnaie pivot.
La bataille toutefois n'est pas gagnée. La City pourrait jouer les trouble-fête. A Londres, premier marché des changes de la planète, on a toujours coté le sterling comme le certain. Mais avec l'arrivée de la monnaie européenne, la Banque d'Angleterre a viré sa cuti et recommandé que l'on donne la prééminence à l'euro et que l'on cote le sterling en second. Les grandes banques anglaises cultivent le fog: «On fera ce que nos clients nous demanderont.» Pour l'instant, l'euro tient