Après la franche baisse des taux décidée jeudi par la banque
centrale européenne (Libération d'hier), il s'est trouvé des éteignoirs pour juger que celle-ci donnait «un mauvais signal»: en étant si hardie, la BCE ne prenait-elle pas le risque d'afficher son pessimisme sur la conjoncture et, ce faisant, d'aggraver la situation? Etrange raisonnement, qui consiste à contester le remède sous prétexte qu'il désignerait le mal! Ce qui a peut-être surpris et choqué le plus ces commentateurs, c'est que l'Europe ait enfin une banque centrale «normale». Qui ne lutte contre l'inflation que lorsque celle-ci menace.
L'inflexion est si sérieuse que même les économistes les plus rétifs à la «pensée unique structurelle» des grands argentiers applaudissent sans réserve. Le professeur Jean-Paul Fitoussi, auteur du corrosif Débat interdit (éd. Arléa), «félicite» ainsi une BCE «beaucoup plus pragmatique que ne l'étaient les banques centrales nationales qui l'ont précédée». Elle a donné jeudi un signal fort sur sa gestion future, estime-t-il. Les acteurs économiques savent désormais que la BCE gérera la monnaie «comme les autres banques centrales dans le monde, ce qui ne peut que les sécuriser». Il serait cependant abusif d'attribuer cette nouvelle philosophie au tempérament personnel de ceux qui pilotent la monnaie. Pour la plupart, ce sont les mêmes qu'auparavant.
Ce qui a changé, en revanche, c'est l'euro. Grâce à lui, la défense du taux de change n'a plus lieu d'être une obsession. Lorsque Je