Depuis qu'ils ont inventé le krach (1637 et l'affaire des tulipes de
Hollande, le premier bulbe spéculatif), les hommes n'ont pas appris grand-chose. On trouve toujours des gens doctes pour rationaliser la folie, et d'autres pour les écouter, s'endetter, investir et finalement se ruiner.
C'est aujourd'hui au tour des sociétés sévissant sur l'Internet de former une bulle. La différence avec les oignons de tulipes, nous dit-on, c'est que certaines petites sociétés de la Silicon Valley d'aujourd'hui seront les multinationales d'après-demain. L'aspect «loterie» du marché est, pour une fois, assumée. A moyen terme, le joueur devrait perdre, mais s'il gagne, quel pactole! Les «e-valeurs» sont donc évaluées au simple jugé, sur l'avenir qu'on leur subodore dans dix ans.
Dès lors, les analystes boursiers peuvent ranger leur panoplies de ratios divers et plier bagage: toutes les bizarreries sont possibles, plus rien n'est absurde. Ce qui n'était qu'un hobby d'étudiant il y a cinq ans, le site Yahoo, peut valoir aujourd'hui 40 milliards de dollars: c'était le cas il y a dix jours. Certes, après la petite «correction» de ces derniers jours (ainsi parlent les boursiers), la petite bande décontractée de Yahoo n'est plus évaluée qu'à 33 milliards de dollars. Elle reste toutefois plus chère que Kodak (24 milliards de dollars) et presque autant que Boeing (37 milliards de dollars)" La fièvre interneto-boursière actuelle pourrait n'être qu'une péripétie folklorique, un sympathique avatar de l'a