A 15 heures pile, un sifflement strident s'élève de la foule des
tee-shirts blancs barrés d'un «Jaffreusement Elf» rouge. C'est l'heure de l'assemblée générale des actionnaires d'Elf, et la tribune, sur son fond bleu turquoise, reste désespérément vide. Venus des différents sites du groupe pétrolier, parfois en courant (45 salariés de Pau viennent d'achever en trois jours une «course à pied pour l'emploi»), plusieurs centaines d'actionnaires salariés se préparent à hurler leur colère contre le plan de restructuration d'Elf exploration-production (EP) annoncé en avril. Un plan qui prévoit 1 320 suppressions d'emploi sur 2 820 postes, notamment dans le Béarn (où les salariés en sont à leur 47e jour de grève tournante), et que le patron, Philippe Jaffré, a maladroitement justifié par la nécessité de «doubler les bénéfices en cinq ans».
A 15 h 15, un grondement sourd parcourt la salle de la Grande Arche de la Défense. Les tee-shirts blancs, qui occupent les trois quarts des lieux, se lèvent comme un seul homme, tapent des pieds et hurlent «Ja-ffré dé-mission!». Le sol tremble, le bruit est assourdissant, la chaleur écrasante. «Elf, l'énergie humaine», dit le slogan affiché par la direction. La salle en fait une démonstration éclatante.
Massés au fond de la salle, les petits actionnaires, des personnes âgées pour la plupart, se tassent sur leur siège, hébétés. «Je suis actionnaire depuis vingt-deux ans, confie un vieux monsieur. Là au moins, avec Jaffré, l'entreprise est bien gérée,