L'affaire du Crédit Lyonnais sera sans doute un sujet de grand
intérêt pour les historiens du troisième millénaire. Elle a accompagné, cristallisé, voire orienté les épisodes d'un chapitre de la vie politique française qu'ils baptiseront peut-être: «Fractures, 1992-1997». Cette période s'ouvre, sur fond de chômage croissant, avec le référendum de Maastricht, et la révélation d'un profond clivage politico-sociologique. Elle se poursuit avec la bataille fratricide Chirac-Balladur et la victoire de celui qui a promis une «autre politique». Puis une grande grève, populaire, contre le plan Juppé fin 1995, est analysée comme une nouvelle crise de la représentation politique. Le chômage ne baissant toujours pas, une partie des classes moyennes, qui avaient suivi en 1992 les élites dans le vote pour Maastricht, flirtent alors avec une radicalité parfois romantique, qui se traduit par des symptômes divers, de l'explosion des ventes des pamphlets du type l'Horreur économique (Forrester) au succès des meeting d'extrême gauche. Enfin, à la faveur de la dissolution, les Français placent Lionel Jospin aux commandes. Ce dernier, profitant d'une conjoncture favorable, s'emploie à recoudre les plaies de la société par quelques actes politiques forts, 35 heures ou emplois-jeunes.
L'affaire du Crédit Lyonnais épouse les méandres de cette période. La révélation du scandale, en 1991-1992, ouvre les yeux des Français. Elle est la démonstration in vivo que la crème de l'élite peut sombrer dans une