«Pourquoi je bosse autant?» Frédéric, à 46 ans, s'est posé presque
naïvement la question. Ce Français émigré dans la Silicon Valley venait de mener un plan de redressement dans une société high-tech. Deux ans à bosser quatorze à seize heures par jour, week-end compris. Et surtout, comme il est d'usage dans la région, il jonglait jour et nuit entre e-mails, bippers, fax et portable. Décidé à cesser cette «vie infernale que l'on mène tous ici», il a profité de son carnet d'adresses, s'est établi comme consultant à plus de 30 000 francs la journée. «Mais des journées normales, de huit heures, souligne-t-il. Et seulement trois à quatre jours par semaine.»
Une histoire banale dans la région. Car la Silicon Valley, la prospère zone high-tech qui s'étale du sud de San Francisco à San Jose, vit une «ruée vers l'or moderne, où la gestion du temps est au centre de tout», comme le souligne Douglas Rait, directeur du centre de thérapie familiale et des couples à l'université de Stanford. C'est aussi une sorte de «laboratoire de la saturation technologique», selon l'anthropologue Jan English-Lueck, chercheur de l'université de San Jose et responsable du projet «cultures de la Silicon Valley».
C'est bien cette mixture mêlant innovation toujours plus rapide et outils technologiques dernier cri qui suscite les clichés de la Valley: les jeunes technoïdes dormant sur la moquette de leur entreprise, ou s'explosant la rétine, les yeux rivés sur l'écran de l'ordinateur. Et surtout, le brouillage de