A priori, c'est le même bain d'huile. Les deux groupes qui se
retrouvent face à face, dans ce qui se présente comme une belle bataille au couteau, ont à première vue la même culture. Mais ce sont aujourd'hui deux entreprises à l'humeur différente. Total a le moral conquérant, Elf déprime. Héritage de l'histoire, mais aussi d'un management porté par deux hommes au profil radicalement différent, Thierry Desmarest et Philippe Jaffré.
«C'est nous qui aurions du lancer une OPE sur Total.» Interrogez les salariés d'Elf, ils répondront tous la même chose. Pourtant, c'est Total aujourd'hui qui mène la danse. Total qui emporte Fina au nez et à la barbe d'Elf, Total qui passe aujourd'hui pour dynamique et agressive. ça n'a pas toujours été le cas. Quand Serge Tchuruk en a pris les rênes en 1990, on moquait encore la «vieille dame d'Auteuil» (son siège était rue Michel-Ange). «Dans Total-CFP, CFP veut dire Can't Find Petroleum», ironisait-on alors sur son sigle (1). De fait, comparée à Elf, partie de zéro avec pour seul gisement celui de Lacq, Total est une gosse de riche, née une cuillère en argent dans la bouche. Dotée d'emblée par l'Etat, à sa création, de quelques belles concessions, elle ne voit au début aucune utilité à prospecter. Et quand, au fil des nationalisations irakiennes notamment (dans les années 1970), son pactole commence à s'effriter, c'est la panique. Il faudra Serge Tchuruk pour lui redonner le moral et l'allant. Malgré tout, une image est restée dans les esprits: El