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Libération

Silicon Valley l'envers du décor (2). La ville des oubliés

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publié le 6 juillet 1999 à 23h49

C'est la Silicon Valley sans jeune technoïde au téléphone portable

greffé à l'oreille. Sans bar où des trentenaires papotent stock-options et avenir de l'Internet. Juste des trottoirs défoncés, des maisons à l'architecture légère et des grappes d'ados désoeuvrés. La commune d'East Palo Alto, située en bordure de la 101 qui traverse la vallée de San Francisco à San Jose, ressemble à une tache sur la carte de la région.

«Le grand défi, c'est de parvenir à profiter de l'explosion économique du coin», explique «R. B.» Jones, le maire noir de cette ville de 30 000 habitants. Pour l'heure, l'endroit ne bénéficie pas du boom high-tech qui arrose le reste de l'opulente Silicon Valley. Debout devant une baie vitrée, au 2e étage de la mairie, Jones soupire en montrant la rue principale: «La seule chose qu'on en voit, ce sont les 66 000 voitures qui traversent la ville chaque matin, puis chaque soir, pour aller et rentrer du boulot.»

La ville traîne une sale réputation. Un salarié high-tech de la Vallée ne trouve pas de logement à prix correct? Il se trouve toujours un bon copain pour lui rétorquer «T'as qu'à aller vivre à East Palo Alto.» La ville arbore ses spécificités comme une punition: moins de 15% des habitants ont suivi des études supérieures, un tiers sont nés à l'étranger, 45% sont des Latino-Américains, le reste de la population est noire. Le trafic de crack y est courant. Et le seul trophée jamais obtenu est celui de «capitale fédérale de l'assassinat», décerné, en 1992, avec