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Libération

Silicon Valley l'envers du décor (4). Pousseurs de wagons dans la mine d'or.

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publié le 8 juillet 1999 à 23h48

Californie envoyé spécial

C'est toujours amusant de mettre une tête sur un concept en vogue. John, blond frisé et très agité de 27 ans, aime dire qu'il a une bobine de «désintermédiation». Ce garçon en costume noir est l'un des brokers (courtiers) de la Silicon Valley, indispensable entremetteur pour ceux qui veulent jouer en bourse. Depuis un an, il se retrouve en concurrence frontale avec l'Internet et les services de courtage en ligne et en direct. Exit le médiateur au job lucratif: son revenu a fondu. «Le Net supprime les intermédiaires, je le vois en vrai, dit-il. Et la classe moyenne est menacée de se retrouver en bas de l'échelle.» Il commande un quatrième café, s'énerve, parle de «poser des bombes dans les start-ups». Il a l'impression de ne pas avoir le choix: dans la Silicon Valley, c'est «millionnaire ou vendeur chez Macy's (une chaîne de magasins)». Voire livreur de pizzas ou baby-sitter. «Là où ceux qui maîtrisent et vendent de la technologie ont besoin de toi», dit-il.

L'économie quasi monothématique de la Silicon Valley, fondée sur la high-tech, secrète une croissance des inégalités particulière: nombre de postes peu payés sont destinés à satisfaire les besoins des bénéficiaires du boom de la région. Car ces derniers ont les moyens et l'envie de se faire chouchouter. «Ici, seule la technoélite compte vraiment», selon Jan English-Lueck, anthropologue spécialiste des cultures de la Silicon Valley. Et les «fournisseurs de services, les éducateurs, les restaurateur