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Libération
Interview

L'Américain Edward Luttwak, auteur de «le Turbo- capitalisme», juge durement les dernières fusions. «La tentation du monopole guette la France».

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publié le 20 septembre 1999 à 0h47

Edward Luttwak, 57 ans, est à la fois consultant, chercheur au

Center for Strategic and International Studies de Washington et propriétaire d'un élevage en Amérique latine. Ancien expert en stratégie militaire, il a imaginé le concept de «géo-économie». Dans son dernier livre, le Turbo-capitalisme, aux éditions Odile Jacob, il décrit un système marqué par «l'absence de tout contrôle politique, la fin des syndicats, le mépris pour le sort des salariés, la volatilité absolue des capitaux, sans plus de régulation ["], la privatisation à tout crin, des universités aux prisons, des écoles aux maisons de retraite». Bref, l'horreur économique à l'américaine. Entretien.

Plusieurs grandes fusions ont eu lieu en France dans la banque (BNP-Paribas), dans le pétrole (Elf-TotalFina) ou dans la grande distribution (Carrefour-Promodès). Est-ce le signe d'un «réveil» du capitalisme français?

Je crois que cela traduit surtout une tentation, toujours la même, de bâtir des monopoles. Pourquoi les sociétés fusionnent-elles? Quand elles sont petites, c'est pour faire des économies d'échelle. Mais quand elles sont déjà très grandes, c'est pour mieux dominer les marchés. C'est manifeste dans les cas que vous citez. Carrefour-Promodès vendra un tiers des produits de grande consommation, par exemple. Aux Etats-Unis, ce ne serait pas acceptable. Pour justifier ces fusions, vos groupes invoquent la concurrence internationale qui, disent-ils, les menace. Mais cette concurrence est potentielle, et non réel