Dans un filet de voix, elle explique à la barre les mains baladeuses
posées tantôt sur son cou, ses cuisses, ou ses seins. Les coups de fil le soir à la maison, les «déjeuners d'affaires», en tête à tête. C'est une jeune femme de 34 ans, fluette, assistante commerciale dans un groupe international d'import-export, qui attaque son chef de l'époque, Chan Chenu, 49 ans, devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Tout a commencé le jour de son embauche, en mai 1994: en allant signer son contrat, dans l'ascenseur, celui qui allait être son chef direct cherche à l'embrasser. «J'ai fait un mouvement de recul et je ne me suis pas doutée que ce n'était que le début d'un harcèlement qui allait durer un an et demi.»
«Bisous». Depuis 1992, le harcèlement sexuel est un délit pénal passible d'un an de prison et de 100 000 francs d'amende. En face, l'accusé est un homme respecté professionnellement. Décrit comme l'un des meilleurs commerciaux de la société, capable de rapporter de très gros contrats avec l'Asie, dont il a la charge. Il travaille énormément dit-il et «demande beaucoup à son équipe». Sans doute trop. Il ne manque pas une occasion de se frotter contre Corinne. Ne lui sert jamais la main en arrivant le matin «pour éviter les contacts physiques», dit-il, mais signe les notes professionnelles d'un «bisous».
Pendant plusieurs mois, la jeune femme n'ose rien dire. «Le médecin du travail pensait que j'entendais des voix.» Corinne alerte la directio