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Libération
Interview

Eric Brousseau, professeur d'économie, préconise la circonspection: «Le discours ambiant occulte les vrais changements».

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publié le 12 novembre 1999 à 1h54

Depuis une dizaine d'années, Eric Brousseau, 37 ans, professeur

d'économie à l'université de Nancy étudie l'impact des nouvelles technologies sur l'économie. Co-auteur d'un rapport sur cette question pour le Commissariat général du Plan (3), publié en septembre, il voit dans la nouvelle économie un emballement orchestré par les firmes du secteur, qui sont parvenues à convaincre des entreprises et des gouvernements en mal d'idées.

Les réseaux dans l'entreprise changent les manières de travailler. Remettez-vous en cause cette évolution?

Non, ce que je remets en cause, c'est le discours qui l'accompagne et qui consiste à afficher une confiance quasi aveugle dans la technologie et le capitalisme. Ce discours est celui des offreurs, des groupes d'intérêt. Il est devenu celui des Etats, de nombreux chefs d'entreprise et des médias, qui le reproduisent sans prendre le recul et les précautions nécessaires. C'est ainsi que la plupart des prévisions sur l'évolution du commerce électronique émanent de cabinets d'études agissant pour le compte des grandes entreprises du secteur. Or, ce sont ces chiffres qui fondent l'argumentation des rapports gouvernementaux, par exemple celui du département du commerce américain sur l'«économie numérique», publié en juin dernier.

Que contestez-vous dans ce discours dominant sur la nouvelle économie?

C'est un discours flou et simpliste. Sur le plan de la construction, on choisit des faits particulièrement frappants pour les esprits qu'on extrapole sans au