Les financiers français n'avaient pas prévu cela. Des OPA, oui. Avec
l'euro, ils l'avaient rabâché, le terrain de jeu allait devenir plus vaste. Les entreprises françaises, comme leurs consoeurs européennes, allaient devoir grossir à coups de fusions et d'acquisitions. Mais des OPA hostiles d'une telle ampleur (BNP contre Société générale et Paribas, Total contre Elf), des OPA d'une agressivité folle, une organisation digne des guerres napoléoniennes" ça, c'était inédit. Un vrai tournant. «Dans l'ancien système, note Elie Cohen, chercheur au CNRS, les règles étaient bien établies. Les fusions étaient orchestrées par l'Etat et l'oligarchie, c'est-à-dire les élites issues des grands corps de l'Etat. Dans un monde policé où régnait un code de bonne conduite.» En 1999, ce beau système a volé en éclats.
L'oligarchie explose. L'Etat a montré toutes ses fissures (lire ci-dessous). Et l'oligarchie a explosé. Car 1999, c'est avant tout l'année où nos sages inspecteurs des Finances sont devenus des voyous. L'inspecteur Pébereau, devenu patron de la BNP, est parti sans ménagement à l'assaut de l'inspecteur Bouton, patron de la Société générale, laissant sur le carreau le pauvre X-Mines Lévy-Lang, patron de Paribas. A suivre ces événements, qui ont tout de même duré six mois, Ambroise Roux, l'ancien parrain des entreprises françaises, décédé dans l'année, a dû se retourner dans sa tombe.
Dans l'ancien régime, les loubards de l'économie française s'appelaient Bernard Arnault, François Pi