Le Mans, envoyé spécial.
Dans la salle d'audience du tribunal de grande instance du Mans (Sarthe), quarante-six blousons gris à passepoils jaunes, les couleurs des tenues de travail de Renault, font face aux robes noires des hommes de loi. L'un après l'autre, chaque ouvrier se lève et décline sa date de naissance et son domicile. Un cérémonial qui semble bien déplacé. Mais ces 46 militants, en majorité cégétistes (un seul appartient à la CFDT), sont prévenus d'un délit grave: séquestration. Le débat sur le fond aura lieu le 10 mars et chacun risque, en théorie, cinq années de prison et 50 000 francs d'amende.
Le 23 novembre, il est certain que François Lecourt et Michel Jacquat, le chef du département 85 et son adjoint, sont restés très longtemps en réunion du Comité hygiène et sécurité (CHSCT). De 9 heures du matin à 18 heures, avec en face d'eux entre 100 et 300 salariés de Renault, selon l'heure. «Séquestrés», disent-ils dans l'assignation à comparaître. «On a jamais voulu séquestrer, explique un militant, on était venu demander une dernière chance pour notre copain.»
«Absences répétées». Le copain, c'est Daniel L. dit «Dada». La veille, ses collègues ont appris son licenciement, pour «absences répétées». Dada a un «problème de santé», dit Thierry Pichon, (CFDT). Le mot alcoolisme passe difficilement les lèvres. Les absences correspondraient à des séjours à l'hôpital. «Dada, explique un de ses collègues, il faut connaître sa vie: il est né dans une petite exploitation de la