Comme un métronome. Ils sont venus tous les jours. Quelques centaines de paysans thaïs, en sandales, tee-shirts et sarongs. Avec des fleurs brandies face aux 6 000 policiers qui les toisaient avec le sourire. Avec des mots simples, prononcés sur le bout des lèvres. Ils manifestaient contre «la mondialisation à visage inhumain.» Rédigeaient le soir, à même le sol, une revue de presse. Ils mémorisaient des images pour ceux qui, dans leur village, «n'ont pas la télé». Ils dormaient sous une de ces voies express qui quadrillent les bidonvilles de Bangkok. Et rigolaient quand d'autres «exclus» croyaient qu'on les «payait pour faire ça». Ils s'appellent eux-mêmes le Forum des pauvres.
Ce jour-là, alors que les limousines des délégations roulent à tombeau ouvert vers la Xe session de la Cnuced, deux Thaïlandaises évoquent la construction, en 1989, d'un barrage d'un milliard de francs. «Sans aucune concertation, 60 villages ont été expropriés. 20 000 personnes ont perdu leurs terres du jour au lendemain.» Elles sont venues manifester contre «ces gouvernants» de pays en développement qui appliquent la même politique «que ceux des pays développés.» Elles ont partagé, avec les 120 organisations non gouvernementales (ONG) mobilisées à Bangkok, le sentiment que «le pouvoir échappe aux élus» et s'agenouille «devant les multinationales.» Elles racontent leurs familles «endettées jusqu'au cou» parce qu'on leur «impose d'acheter des fertilisants pour accroître la productivité», et que, dans