Le Mans, envoyé spécial.
Deux d'un côté, quarante-quatre de l'autre. La petite salle du tribunal correctionnel du Mans était pleine à craquer vendredi. Deux cadres, soutenus par la direction de l'usine du Mans, assignaient des ouvriers, pour la plupart cégétistes, devant le juge pour «séquestration». Le 23 novembre 1999, François Lecourt et Michel Jacquat avaient dû rester neuf heures dans une salle de réunion, coincés par des grévistes qui exigeaient la levée du licenciement d'un des leurs (Libération du 8 janvier).
Les uns contre les autres. Qu'est-ce qui définit la «séquestration», qui s'en est rendu coupable? Faute d'instruction préalable (procédure de citation directe), l'audience a confronté la parole des uns à celle des autres. Michel Jacquat, à l'époque chef d'atelier, a dit «la peur» qui l'a saisi à plusieurs reprises, «les quolibets, les menaces». François Lecourt, son supérieur (chef du département 82-85), se souvient lui aussi: «Il n'y a pas eu de violence physique, pas de coups, mais on a été empêchés de sortir de la salle.» Par qui? Les 44 ouvriers présents ont été repérés à la fin de l'action par un huissier, aidé d'une quinzaine de cadres. Ceux-ci ont établi une liste de ceux qui, selon eux, étaient présents à ce moment précis. Dans plusieurs cas, l'identification des «coupables» pose problème. «Je n'ai pas quitté mon poste de travail», dit l'un. Un cadre témoin sort sa liste de sa poche pour ne pas se tromper, mais se dit capable d'identifier chacun de ses sub