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Libération

Les petites mains du crocodile à Roland-Garros

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publié le 10 juin 2000 à 2h06

Le spectateur qui va à Roland-Garros n'est pas très sensible au tract que lui tendent les ouvrières de Lacoste: «Il n'y en a pas beaucoup qui le prennent.» Ici, on porte plus volontiers le polo au crocodile qu'on se pose de questions sur le comment de sa fabrication. Les ouvrières de Lacoste étaient, vendredi matin, aux portes de ce haut lieu du tennis. Venues en bus de Saint-Dizier et de Joinville, lieux de fabrication haut-marnais de la chemisette à la maille serrée et au croco à la mâchoire décrochée. Derrière la bonhomie de cette manifestation, on parle mondialisation, délocalisation, la Tunisie, la Roumanie, la Biélorussie; on rappelle la fermeture prévue des deux sites de Joinville et de Saint-Dizier, et la mutation à Troyes pour toutes. «Tendez le bras, messieurs dames, vous n'attraperez pas de tendinite.» Gislaine montre la cicatrice qui lui marbre l'épaule. «Je suis tombée, chez moi, à cause de mes tendinites répétées, mon tendon a lâché. Impossible d'invoquer pourtant l'accident de travail.» Un travail à la chaîne, long et pénible, payé à la tâche. Elles sont spécialistes des épaules, du col, de la patte, des boutons, de l'ourlet, du visitage puis de la pose croco une fois que le polo a été inspecté sous toutes les coutures. «Moi, je fais 170 chemises par jour pour 5 400 francs net.» «Moi, je fais 235 contrôles par jour, moins de deux minutes par polo, à 44,66 francs de l'heure.» La plupart des femmes ont la cinquantaine, plus de trente ans de boîte. Elles n'ont pa