Millau envoyée spéciale
A Millau dans l'Aveyron, la mondialisation a commencé il y a un siècle. En 1900, Henri Causse annonce à ses deux frères, Paul et Jules, qu'il quitte la ganterie familiale, Gankos, et s'embarque pour le Nouveau Monde, Gloversville précisément. Les Américains ont besoin du savoir-faire des Européens pour ganter leurs dames. Un siècle plus tard, Christian Causse, son arrière-petit-neveu, dirige toujours Gankos, une fabrique de gants de luxe qui emploie une quarantaine de salariés pour 13 millions de francs de chiffre d'affaires. Mais, des 150 industriels du secteur qui ont fait la richesse de la sous-préfecture aveyronnaise et ont employé près de 8 000 salariés, il est, avec deux autres artisans et un petit atelier de six ouvriers, le seul survivant.
Le vent tourne. Entre-temps, au milieu des années 50, Henri écrit à sa famille restée à Millau que l'usine de Gloversville où il travaille transfère ses machines aux Philippines. Les Millavois, sûrs de leur savoir-faire, ne voient pas le vent tourner. Il se porte toujours autant de paires de gants dans le monde, pour travailler, faire du sport, garder les mains au chaud ou les habiller; mais les Buscarlet, Jonquet, Guibert Grères et Lauret, qui ont employé des centaines de metteurs en passe, coupeurs, fendeurs, raffileurs, garnisseurs et piqueuses, ont tour à tour fermé magasins et usines. L'automatisation n'a rien pu faire pour la ganterie.
Aujourd'hui comme en 1900, une paire de gants passe toujours entre une