Robert Picht, universitaire allemand, est professeur de sociologie au Collège d'Europe de Bruges et directeur de l'Institut franco-allemand de Lutwigsburg. Il revient sur ces mouvements de grogne européens
Ces manifestations sont-elles uniquement dues à l'augmentation des prix de l'essence ou sont-elles le signe d'une crise plus profonde?
Economiquement, les transporteurs ne parviennent pas à répercuter dans leurs tarifs la hausse du prix du carburant. Leur seuil de rentabilité est atteint. Comme la survie de leur entreprise est en jeu, ils manifestent. La crise pétrolière a servi de détonateur à l'explosion d'un mouvement de mécontentement de catégories sociales des petits entrepreneurs, des travailleurs indépendants qui se sentent économiquement et socialement menacées. Les dix dernières années, intégration européenne et mondialisation obligent, ont été difficiles pour ces catégories. Maintenant que la conjoncture macro-économique s'est améliorée, ils aimeraient pouvoir partager les fruits de la croissance avec les autres secteurs de la société. Mais n'y parvenant pas, ils se sentent définitivement exclus. De fait, la modernité les angoisse. Les réussites de la nouvelle économie, les profits records des compagnies pétrolières, la rapidité des changements ces dernières années les dépassent.
Comment expliquez-vous la sympathie de l'opinion publique pour ces mouvements?
Une majorité des populations européennes ressentent la même chose que les transporteurs. Elles ont la même