Menu
Libération

Les verres de vodka russe volent bas

Article réservé aux abonnés
A Moscou, deux directeurs de la distillerie Kristall se disputent un seul fauteuil.
publié le 18 septembre 2000 à 4h24

Moscou de notre correspondante

Rue Samokatnaïa, un imposant immeuble de brique rouge. Le fronton porte l'inscription «1901» en lettres blanches. A l'époque, la fabrique de l'Empire élaborait cinq sortes de vodka. Aujourd'hui, Kristall en produit une trentaine et exporte dans plus de trente pays. Devant l'entrée principale qui mène à la direction, un barrage formé par cinq vigiles de l'agence de sécurité moscovite Oskord. L'un d'eux s'apprête à grimper sur le toit: dans la nuit, une banderole sur laquelle on peut lire: «Sacha tu as tort» y est apparue. Le Sacha à qui elle s'adresse est Alexandre Romanov, le nouveau directeur, dont la légitimité est remise en question par la précédente direction. Le gaillard au crâne rasé arrache le carré de tissu et redescend précipitamment. «Où allez-vous?» s'enquiert-il alors, sourcils relevés, auprès du visiteur. «Chez le directeur, Vladimir Svirsski.» «Il n'est pas directeur. De toute façon, ce n'est pas la bonne entrée», ajoute l'agent de sécurité en claquant la porte. Dix mètres en contrebas, un de ses collègues entrouvre une porte rouillée, non loin des livraisons. «Pour Svirsski, c'est par ici», annonce-t-il timidement. L'homme ne porte pas d'uniforme, mais déclare appartenir aux «services de sécurité de Volodia [diminutif de Vladimir]».

Six francs la bouteille. Chaque jour depuis le 4 août, les employés de Kristall assistent, perplexes, dans leurs ateliers, à une bataille quotidienne entre deux équipes de direction qui revendiquent le