Stéphane a 27 ans. Ingénieur en production, il a été embauché il y a trois ans dans un grand groupe alimentaire. Presque le rêve, jusqu'à ce que les jeunes ingénieurs débarquent.
«Quand je suis arrivé dans cette usine en 1997, j'étais assez fier. Je sors d'une école d'ingénieurs plutôt côtée, mais j'ai quand même passé neuf mois au chômage avant de décrocher mon contrat. A l'époque ça n'était pas encore l'euphorie sur le marché du travail. Quand on trouvait un job, on se sentait sauvé. Surtout quand on voyait les copains rester dans la mouise. Mon salaire, je ne l'ai pas négocié. J'ai pris ce qu'on m'a donné, 10 500 francs net par mois. J'aurais signé pour moins. On m'a envoyé dans une usine au fin fond de l'Alsace, en pleine campagne. Comme un brave petit soldat, je me suis installé là, dans une petite maison louée à un couple de retraités pas très rigolos. Ma vie, c'était l'usine, les chaînes de production, les problèmes techniques à résoudre, la qualité à surveiller. Si je travaillais bien, j'avais droit à des voyages à Paris ou dans d'autres usines à l'étranger, en Pologne, au Maroc. Ma copine est venue me rejoindre dans mon trou perdu. On s'est organisé notre vie sur place. Elle s'y est faite, s'est accommodée, aussi, de mes plaintes sur mon boulot. Mon salaire surtout. Je fais le boulot d'un vrai chef avec une paie de débutant. Je râle mais jusqu'à récemment je n'envisageais pas de quitter la région pour chercher mieux ailleurs. Et puis, il y a eu l'effet reprise.
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