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Sans vague à l'âme

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Joël Kerdavid, marin-pêcheur à Quiberon depuis l'âge de 14 ans.
par Philippe MURARO
publié le 23 octobre 2000 à 5h41

Bretagne, vendredi 21 juillet 2000, 5 h 30. Joël Kerdavid lâche dans la nuit bretonne les chevaux-vapeur de son vieux ligneur-côtier, le Va-sans-crainte, vers les territoires de son officielle dernière pêche aux bars, quelque part entre Belle-Ile et Quiberon. La météo annonce du beau temps avec cependant une mer légèrement houleuse pouvant virer à l'avis de dégueulis pour les marins débutants.

Et tandis que le bateau poute-poute au diesel vers le lieu de pêche, Joël se raconte un peu : «Comme je suis né le 22 juillet 1945, à un jour près, je prends la retraite à ma date anniversaire. Je suis fils de marin. Mon père était patron de pêche quand Quiberon était la capitale de la sardine. Ça grouillait de monde de partout. Aujourd'hui, il ne reste plus qu'un seul sardinier et deux, trois usines qui bossent avec de la sardine congelée provenant d'Italie, et nous on leur envoie du bar, c'est pas beau ça ? J'ai commencé avec mon père à l'âge de 14 ans. Je faisais le boulot de mousse, les petites corvées.»

6 h 45. Le soleil se lève, les rayons ébouriffés. Pour le bar, il faut d'abord pêcher des lançons. Une anguille de sable au corps effilé et argenté, qui racle en bande les fonds marins. Pour attraper le lançon, Joël largue un chalut de 175 mètres qu'il va traîner ainsi au cul du Va-sans-crainte pendant plus d'une heure, escorté par quelques goélands en quête de grappilles.

Le filet mouillé, entre deux crachouillis à la radio où les copains le chambrent gentiment en prenant rendez-vous