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Libération

Le piège des primes

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publié le 30 octobre 2000 à 5h58

Mercredi 23 octobre, journée de recrutement dans les métiers du bâtiment et des travaux publics, porte de Versailles. Devant les stands, la cohue ­ des jeunes tout juste sortis du CAP et des chômeurs­, les entretiens durent trois minutes. Grutiers, peintres en bâtiment et autres métiers à risque sont recrutés «rapidement, à tour de bras». La sécurité des chantiers a rarement droit de cité. «On ne peut pas parler de tout. Ici, les gens ne demandent pas la lune, juste un boulot, alors si on peut les placer sur un chantier», explique Jean-Michel, costume anthracite, DRH d'une des majors du secteur. Non loin, Bocar, 19 ans, peintre équilibriste dans les hauteurs de Paris, commente: «A la sortie de l'école, on porte tous le harnais de sécurité. Mais le type qui s'en débarrasse va beaucoup plus vite. Et c'est toujours lui qui rafle les primes de rendement, jusqu'au jour où...» La prime, souvent 10 % du salaire, devient l'obsession de l'ouvrier voltigeur. Très vite, les consignes sécurité sont brouillées. Ou réinventées. Karim, 23 ans: «Avant de monter, j'embrasse ma main de Fatma, j'échange ma casquette Lacoste contre un casque jaune et c'est bon: je me sens invincible.» Roger, 42 ans : «J'oublie tout, ma femme, mes deux enfants, la broche dans ma cuisse, le souvenir de ma première chute.» Amadou, 36 ans : «La chute, faut pas y penser, sinon on attire le mauvais oeil.» Et les formateurs de résumer: «Avec le système de prime sur tous les chantiers, le sentiment de sécurité relève s