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Libération
Enquête

Les lèvres de la jungle

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L'histoire d'un pacte qui a survécu à de multiples obstacles montre que le commerce équitable est possible. Aujourd'hui, la marque Aveda vend des rouges à lèvres 100% naturels, avec des pigments produits par les Indiens Yawanawas.
publié le 1er novembre 2000 à 6h03

Rio de notre correspondant

«Nous avons établi un partenariat commercial inédit avec la tribu indigène yawanawa dans la forêt vierge brésilienne, afin de cultiver la plante traditionnelle "uruku", connue sous le nom scientifique de bixa orellana, plante qui fournit le pigment naturel de tous nos rouges et brillants à lèvres Uruku.» Cette notice est glissée dans l'emballage d'un rouge à lèvres en vente depuis 1995 dans les boutiques de cosmétique Aveda aux Etats-Unis et en Europe (1). Uruku est un des produits les plus populaires de cette marque qui s'affiche sans photos d'Indiens racoleuses. L'emballage discret ne révèle qu'une bribe d'une étonnante saga, où le «peuple du sanglier» ­ traduction de Yawanawa ­ se métamorphose en Indiens d'affaires et contribue à garantir à cette filiale d'Estée Lauder la traçabilité de ses produits vendus en rayons.

Une tribu au fin fond de la forêt

Les 400 Yawanawas habitent au bout du monde. «Pour aller chez eux, il faut d'abord rejoindre Rio Branco, la capitale de l'Etat d'Acre, explique May Waddington, l'anthropologue brésilienne au coeur de l'histoire. Ensuite, prendre un vol régional pour le village de Tarauaca. Là, affréter un petit avion ­ il est horrible, effrayant! ­ et voler une heure au-dessus de la forêt pour se poser le long du Rio Gregorio. Et, pour finir, une journée de pirogue à moteur pour atteindre le village. Au départ de Rio, ce voyage coûte plus cher que d'aller en Nouvelle-Zélande!»

Le premier contact entre le peuple du sangl