Samedi 9 septembre 2000, à Bellicourt dans l'Aisne. La fourgonnette d'Henri Biloé, facteur depuis le 15 mai 1965, s'en va distribuer les «bottes» de courrier de sa dernière tournée. Trois cent cinquante foyers sur les communes de Gouy, Aubencheul-aux-Bois et des hameaux du canton du Catelais, aux confins des terres picardes, l'attendent au coin de la boîte. La journée a commencé à 6 h 40, en compagnie de sept à huit collègues, par le tri. Les paquets et le courrier, ficelé «comme des gigots», chargés dans les véhicules, le grand tournis postal peut s'enclencher.
Trois cent cinquante foyers, ça veut dire autant de fois descendre et monter de la Kangoo. Mais Henri ne regrette en rien le temps de la mobylette, celui des tournées sous les petites pluies fines et glaciales, des virées hivernales où le moindre écart sur les terres verglacées pouvait expédier d'un gadin le courrier dans les ornières boueuses et gelées.
Visite lumière. Ce départ en retraite affecte surtout les personnes âgées qui guettent le facteur comme un messie journalier, une visite qui éclaire leur solitude même si c'est à la lueur d'un simple prospectus. Qui sera le remplaçant? Cette question en turlupine plus d'un. Dame, un facteur c'est bien plus qu'il n'y paraît, ça dépose le courrier dans toutes les couches de la société, des cossus aux miséreux «dont quelques-uns ne font pas grand-chose pour sortir de leur malheur». Il demeure l'un des rares liens sociaux à se friter avec l'espèce humaine et ses chiens rem