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Libération

Petits plaisirs de maçonne

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publié le 6 novembre 2000 à 6h14

Frédérique, 18 ans, est maçon(ne).

«Les premiers jours, les premières semaines, sur un nouveau chantier, c'est chaque fois la même chose. On me regarde. On ne me parle pas, mais on me regarde. Puis on me donne le balai, pour faire un peu de ménage. A la limite, on me confie un peu de carrelage ou des bandes de cloison à poser, mais rien de difficile. Rien d'intéressant non plus. Alors je parle. Personne ne m'écoute. Et je continue à parler. Tout le monde finit par m'appeler "la parleuse". Je les saoule, mais c'est ma manière de leur faire comprendre que je ne suis pas là pour faire le ménage. Simplement mon métier: maçon, maçonne, maçonnière ou maçonneuse, je ne sais pas, faudrait regarder dans le dictionnaire.

«Le bla-bla, ça marche. Pour me taire, mon patron du moment m'a demandé de "faire la pelle": j'ai passé douze heures à fondre ciment, gravillons et sable avant de porter la bouillie à bout de bras dans une brouette de cent kilos. J'ai adoré. Et j'ai recommencé les jours suivants avec le même plaisir. Tout le monde était étonné. Les ouvriers sur le chantier, les autres maçons et le patron bien sûr. Mais ça, j'ai l'habitude. Avec mes amis et mes parents, ça a été la même chose. Mon père est prof, ma mère animatrice culturelle. Ils ne voulaient pas entendre parler de maçonnerie. Mais moi, j'ai toujours voulu faire quelque chose de mes mains. C'était une obsession, une passion aussi. Ma mère me répétait : "Tu ne tiendras pas plus d'un mois." Mais quand j'ai commencé à faire