Belle-Ile, envoyée spéciale.
Il y a un an, le 12 décembre exactement, l'Erika se brisait en deux au bout de la Bretagne. Douze jours plus tard, les premières langues de mazout atteignaient Belle-Ile en mer, tout au sud. «Le matin de Noël, mon mari est parti à la côte. Il en est revenu décomposé. "Vas pas voir", m'a-t-il dit. J'ai attendu une semaine avant d'y aller.» Jean-François et Myriam David étaient seuls, le jour de l'an. La fête annulée, ils se sont retrouvés l'un en face de l'autre comme dans le travail. Lui à la pêche sur le Morrigan, elle à son étal, à vendre soles et rougets du jour. Il est né sur le quai au pied de l'eau, yeux bleus perdus aujourd'hui dans une barbe de trois jours, cheveux en pétard. Elle vient de Paris, costaude de la tête aux pieds. 44 ans tous les deux, dix-huit ans de collaboration à Sauzon, port carte postale de Belle-Ile avec ses maisons de poche et son phare au bout de la jetée. Avec l'Erika, ils ont bien failli tout arrêter, écoeurés. 150 filets de pêche de perdus, du mazout plein partout, les marins devenaient fous. «Les gars étaient tellement choqués, raconte Myriam, qu'ils étaient incapables de parler. Nous, les femmes, avons pris les choses en main.» De Belle-Ile, Houat ou Hoedic, les îles voisines, elles ont organisé des manifestations, alerté les médias, les pouvoirs publics. «Les pêcheurs ne sont pas des quémandeurs, dit-elle. Ils allaient en mer, nous, nous partions sur le continent négocier avec les autorités. Les hommes n'étaient