Quand son ami l'a quittée, elle a perdu un amour et son bateau. Il y a deux ans à peine, Perrine était la seule femme patron de pêche à Belle-Ile. Aujourd'hui, il n'y en a plus. Dans le monde de la mer, on ne s'embarrasse guère de la confusion des genres: une femme à bord porte malheur. «Pêcher est un métier de solitaire, dit-elle. Il faut être le meilleur, ramener la plus grosse prise. Traditionnellement, ce sont les hommes qui chassent et qui pêchent.»
Informaticienne venue de Paris il y a une dizaine d'années, Perrine a fait un retour à la mer, comme d'autres ont pris racine au Larzac. Elle est devenue matelot, s'est coulée dans ce monde où elle se sentait mieux à boire des bières au comptoir qu'à papoter sur le marché. «J'étais la seule femme à bord, fileyeur. Il fallait charrier des kilomètres de filet à la main.» Pour se faire accepter, elle qui aime garder la main se fait discrète. «J'y suis allée au feeling, ne pas s'imposer tout de suite. A bord, on ne parle pas beaucoup, il fallait travailler, être toujours attentif.» En cinq ans, elle navigue sur trois bateaux, s'achète un petit chalutier de 8,50 mètres, devient le patron. «Je travaillais avec mon copain. On pêchait la nuit. L'un commandait à la passerelle, l'autre faisait le matelot, sur le pont, à traiter le poisson.» L'affaire marche bien, trop peut-être. «On travaillait jusqu'à l'épuisement, puis on récupérait. On dormait peu. Deux ou trois fois par semaine, après la pêche, je vendais sur le marché. Mais ce n'é