Samira, la fille, règne à l'étage. Derrière la caisse, les mille-feuilles et les chaussons aux pruneaux. Le père, Mohammed, régente le sous-sol. Là où se cachent pétrins et fours. Chacun son domaine dans la boulangerie Mziouid, près de la gare du Nord, à Paris. Pourtant, à la fermeture, quand ils ne reste plus que le père et la fille dans la boutique, on voit bien qu'ils sont heureux de travailler ensemble. Depuis toujours Samira traîne dans la boulangerie. L'appartement familial est au-dessus de la boutique, à 13 ans déjà, elle donnait un coup de main. La petite a «tout appris» de son père. Les différentes variétés de pain. Les qualités de farine. Les secrets de la pâtisserie. Mais Mohammed n'a jamais voulu lui apprendre l'art de la cuisson, un métier d'homme, «trop difficile pour une fille».
Samira a tenté de quitter le monde de la farine. Elle passe un BTS dans l'import-export, mais une mauvaise expérience professionnelle la ramène à la maison. «J'avais fait une spécialisation dans les métiers de la mer. Le milieu était vraiment macho et ça ne me plaisait pas trop. Chez nous, il manquait quelqu'un. Alors, je suis venue.»
Son père l'embauche et n'y voit que des avantages. D'abord, la «confiance». Samira s'occupe des factures, reçoit les représentants. «Je lui fais tellement confiance que je ne sais même plus me servir de ma carte bleue», dit le père. Derrière son comptoir, Samira ne manque jamais de dire un mot gentil au client, fait la causette aux petits vieux qui viennent