Vincent de Gaulejac est professeur de sociologie à Paris-VII Denis-Diderot et directeur du Laboratoire de changement social. Il est l'auteur de l'Histoire en héritage (1).
Pourquoi ne pas travailler est-il mal vu?
Le travail est devenu une valeur centrale d'insertion dans la société. Historiquement, cela n'a pas toujours été le cas. Dans la Grèce antique et au Moyen Age, le travail était perçu comme une activité dont il fallait se libérer. Chez les Grecs, il était vécu comme une honte et réservé aux esclaves. Le plus important était de participer aux affaires de la cité. Aujourd'hui, ne pas travailler, c'est prendre le risque d'être inutile, de ne pas avoir de place dans la société. Ceux qui sont au chômage le vivent mal alors qu'ils pourraient le prendre comme une libération. Le travail est présenté comme un moyen de se réaliser, une conquête de l'autonomie. Les discours managériaux utilisent cette idéologie. Réussir sa vie, c'est réussir sa vie professionnelle.
Mais les salariés y croient moins...
Nous avons un rapport paradoxal au travail. L'une des revendications principales des gens est d'avoir un travail mais, quand on approfondit, on s'aperçoit que ce n'est pas le travail qu'ils souhaitent ou qu'ils aiment. En fait, ce que revendiquent les individus, ce sont des conditions leur permettant d'avoir des revenus mais surtout une existence sociale. Si vous leur apportez tout cela autrement, ils ne vous répondront plus que le plus important pour eux c'est de travailler. Cette n